Chaque année 7000 femmes et couples perdent un enfant lors de la grossesse ou lors des premiers jours de vie de l’enfant. Le deuil périnatal est vécu par les parents après un IVG, une IMG, une fausse couche, une mort in utero ou le décès de l’enfant dans la première année de vie.
C’est un sujet complexe et délicat qui mélange à la fois la vie et la mort. Un sujet qui crée une douleur indicible, celle d’avoir perdu un enfant promis à la vie mais aussi toutes les projections et l’avenir que l’on s’était imaginé avec lui. C’est un sujet qui se confronte au silence de la société et à la non reconnaissance de la douleur de la perte.
A cela s’ajoute les phrases maladroites : « tu en auras d’autres des enfants. », « Ce n’était pas le bon », « C’est qu’il ne devait pas être là » qui viennent renforcer le chagrin des parents plutôt que l’apaiser. Ils préfèrent alors se taire et porter un masque pour ne plus être confrontés à la non reconnaissance de leur peine.
Or le deuil périnatal est un véritable séisme pour la femme et le couple qui le vivent et qui s’étale dans le temps. Il conduit à traverser le deuil de l’enfant projeté voir idéalisé. Dès les premiers instants de la grossesse, des liens se créent entre la mère et l’enfant. Les bouleversements psychiques accompagnent les transformations physiques. La femme projette consciemment ou non tout un tas de choses : le sexe, le tempérament, le prénom, les projets avec cet enfant à venir mais aussi la vie de famille avec un membre en plus. Lors de la perte de l’enfant, c’est le deuil de l’avenir avec lui qui s’opère. Les seuls liens que la maman a pu tisser sont ceux qu’elle a pu percevoir in utéro. C’est faire le deuil de l’enfant projeté pour lui donner sa place dans la famille même s’il est décédé avant sa naissance.
C’est un deuil particulièrement ambivalent car il porte à la fois la vie et la mort dans le ventre de la mère, un endroit qui socialement doit être porteur de vie. Il peut alors s’ensuivre une profonde culpabilité pour la mère d’avoir failli à son devoir de femme. Elle peut porter le poids d’une culpabilité écrasante d’autant plus s’il n’y a pas de raison médicale à la perte. Face à l’absurdité de la perte, il faut nommer un coupable pour pouvoir alléger sa souffrance. Faute d’en avoir, la femme aura tendance à porter ce poids et pourra culpabiliser de ne pas avoir su protéger son enfant.
Elle pourra également se remettre en question et douter de sa qualité et de sa légitimité de femme. Tout un tas de questions angoissantes peuvent naître telle que la peur de perdre son mari si elle n’est pas capable d’avoir un enfant. A cela les émotions du deuil que sont la colère et la tristesse viennent en alternance chahuter le couple qui peut connaître une période de disputes régulières.
L’homme et la femme ne vivent pas le deuil de la même manière. L’homme a bien souvent tendance à intérioriser et de pas exprimer ses émotions à l’inverse de la femme. Cela peut conduire à des malentendus, des mots durs portés l’un envers l’autre et une traversée du deuil à deux vitesses où les deux partenaires ne se retrouvent que rarement.
Les remaniements psychiques de la grossesse font émerger des peurs et des angoisses inconscientes qui ne s’arrêtent pas immédiatement après la perte de l’enfant. Ces pensées peuvent provoquer des incompréhensions, de la honte, et un sentiment d’isolement face à l’impossibilité d’en faire part à l’entourage qui ne comprendrait pas. La femme gère seule ces pensées à première vue dénuées de sens, de même qu’elle s’accommode seule d’un potentiel conflit entre son corps et son esprit : l’esprit qui veut un enfant et le corps qui le refuse (ou l’inverse). Toute une gamme d’émotions et de conflits intérieurs peuvent émerger amenant la femme à un état d’épuisement physique, psychologique et émotionnel avec toutes les répercussions qui peuvent en découler sur l’entente et l’intimité du couple et sur la famille.
Enfin, et c’est parfois le plus délicat à traverser, car à la perte de l’enfant se rajoute parfois la perte de tout espoir de parentalité. Un autre travail de deuil se superpose au premier à savoir celui de trouver sa place dans le monde et de se réaliser autrement qu’à travers la parentalité.
La douleur de la perte n’est pas proportionnelle au temps que l’on a passé avec l’enfant disparu. Elle est liée au lien d’attachement que l’on a tissé avec lui et qui se confronte à son absence.
Charlène